Atelier d'écriture·Ecrire

L’atelier d’écriture n°425 de Bricabook

425

© Fred Hedin

Tu fumes ?
Oui, tu vois.
Cela ne te ressemble pas.

Elle te fit rire sa réflexion. 
Comme si, bien sûr, rester sagement dans sa case, dans l’image que l’autre avait de soi, était la seule chose à faire. Si elle savait. A quel point sur la marelle de l’existence tu sautais sans cesse, depuis longtemps. Est-ce qu’il ne fallait pas tout essayer ? Brûler sa vie ?
Hier, dans une émission, quelqu’un avait parlé du silence, de celui qui accompagne en général le harcèlement au collège. Le silence de ceux qui observent. Le silence de l’enfant.
Mais ils n’avaient pas parlé de l’immobilité. Des places assignées.
Et cela t’avait ramené subitement dans la cour de ton collège, en troisième E. A la sonnerie de la récréation qui avait un goût de poison. A ta solitude à côté des toilettes pour filles. Au long tunnel de la pause méridienne. A cette fille qui avait monté tout le monde contre toi. Parce que c’était drôle, et que tu étais dans ton rôle, faite pour ça. 
A quel point te ressemblais-tu, à ce moment là ? A quel point étais-tu crédible ? Aurait-il donc fallu jouer à ce jeu là toute ta vie ? 
Et puis, tu t’étais rappelée soudain un regard, celui de ton professeur de français. Les récréations étant un calvaire, tu étais toujours la première en rang, sous ses yeux. Des yeux qui disaient je te vois, je vois, ça va aller tu verras. Qui t’encourageaient à tenir le coup. Qui te tenaient. Malgré le silence. Malgré les larmes qui perlaient parfois. Les regards alors détournés, gênés.
Cette graine là, puis celle d’Antigone, plus tard, qui avait tout décidé. Ces mots, qui avaient ouvert une porte en toi.
Antigone, c’est la petite maigre qui est assise là-bas, et qui ne dit rien. Elle regarde droit devant elle. Elle pense. Elle pense qu’elle va être Antigone tout à l’heure, qu’elle va surgir soudain de la maigre jeune fille noiraude et renfermée que personne ne prenait au sérieux dans la famille et se dresser seule en face du monde, seule en face de Créon, son oncle, qui est le roi.

Se ressembler, soudain la chose à fuir. Fumer, la moindre de tes transgressions.

Un texte rédigé dans le cadre de l’atelier d’écriture d’Alexandra K – Une photo, quelques mots
Les textes du jour sont à retrouver ici [clic]

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12 commentaires sur “L’atelier d’écriture n°425 de Bricabook

  1. Texte fort, un questionnement sur l’identité qui interpelle le lecteur. C’est si compliqué d’être soi, de sortir des cases que les autres ou nous-mêmes nous imposons. Les mots, effectivement, peuvent nous permettre de nous affirmer. Les tiens sont très beaux.

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  2. Un texte fort et poignant. L’importance de l’image qu ‘on donne, qu on croit donner, que les autres perçoivent…autant de personnes cachées dans une même personne. Dans mon collège cette semaine nous avons eu justement une intervention sur le harcèlement. Les rapports entre les enfants étaient déjà souvent délicats mais avec les réseaux sociaux c est encore pire et pour le coup l’image tient une place dangereuse.

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