Depuis quelques temps, j’essaye de participer le plus régulièrement possible aux opérations Masse critique de chez Babélio, car j’apprécie de pouvoir choisir le titre qui me fait envie et le fait de passer par une plateforme me donne un certain sentiment de liberté dans ma lecture… Lors de cette dernière session graphique, je n’étais cependant pas très emballée par les propositions jusqu’à ce que je tombe sur ce titre, qui était évidemment fait pour moi. A la réception, j’ai été très étonnée par la minceur de l’album, son petit format. Il faut dire que cet Antigone là est la première publication de Jop, et qu’il est très certainement destiné à un public plutôt adolescent, d’où sans doute la brièveté de l’ouvrage. L’auteur a choisi de faire de son héroïne un personnage moderne, recueillie par son Oncle Créon, préfet de son état. L’Antigone de Jop défend une ZAD (Zone à Défendre), est la meilleure amie d’Ismène, qu’elle considère comme sa soeur, et se fait bien entendu prendre sur le fait pas la police, qui en réfère immédiatement à son Oncle Créon. La qualité du dessin, la dominante bleue de l’ensemble, les extraits connus de la pièce d’Anouilh mélangés à un langage plus moderne, font de cet album un magnifique objet et une belle approche du mythe d’Antigone, très bien repris d’ailleurs dans un dossier en fin de récit. J’ai peut-être trouvé l’ensemble un peu court, j’aurais aimé que l’intrigue soit plus développée, mais pour un album à petit prix, ce livre est d’une qualité indéniable. J’ai hâte de suivre Jop dans une autre publication, son trait étant très prometteur ! De plus, l’envoi de ce titre m’a permis de découvrir une maison d’édition, Goater, qui semble contenir réellement de belles trouvailles.
Editions Goater – 11 Janvier 2019
J’ai aimé ce livre, un peu, beaucoup…
« Et si, dans la vie, tout ne tenait en réalité qu’à un détail insignifiant ? »
J’ai lu avec grand plaisir, et pour la première fois, un titre d’Amélie Antoine en avril dernier, Les Secrets, bluffée je dois dire par la prouesse de son exercice de style… J’ai donc été ravie de recevoir le livre dont je vous parle aujourd’hui, encore un exercice de style particulier, mais réalisé cette fois-ci en duo avec une autre auteure, Solène Bakowski. Ce roman est un pavé qui a accompagné toute ma semaine de Noël. Avec elle et Sans elle a la particularité de contenir un double récit et peut donc se commencer dans le sens souhaité, mais la mise en page choisie incite le lecteur à plutôt débuter sa lecture par Avec elle. Nous rencontrons alors un couple et ses deux jumelles, un soir de fête nationale. Patricia s’apprête à emmener l’une d’elle, Jessica, au feu d’artifice, tandis que Coline est punie à la maison pour une bêtise, et reste ainsi avec son père. Cette soirée est le point d’orgue du malaise que connaît actuellement Patricia, épuisée par sa vie quotidienne. La jeune femme rencontre au feu d’artifice, Enis, la promesse d’une distraction bienvenue. La vie va se poursuivre ensuite péniblement, et la vie de famille progressivement se dégrader, jusqu’à ce que le père des fillettes décide de quitter la maison. Ce n’est pas tout rose non plus entre les jumelles, Jessica prenant de plus en plus l’ascendant sur sa soeur, dévorée par ce terrible secret d’avoir par accident causé la mort d’une jeune fille alors que les fillettes étaient en vacances chez leurs grands parents. Jessica multiplie les expériences toxiques, entraînant sa soeur dans son sillage, la menaçant, jouant avec son affection… Jusqu’où cela ira-t-il donc ? Dans la partie Sans elle, Amélie Antoine imagine la disparition tragique de Jessica dès le feu d’artifice. Et le lecteur, ayant déjà subi dans la première partie sa présence pesante en est presque soulagé pour Coline… mais le soulagement est de courte durée, car la petite fille est introuvable, et ce nouvel événement met la famille dans un autre chaos, très douloureux et sans espoir… Ce double roman a le talent de nous montrer comment un détail peut tout changer dans une vie, mais également comment le destin est implacable et peut décider de ne rien changer par contre à la grande trame de nos destinées. J’ai beaucoup aimé l’exercice de style, le style de chaque auteur, la qualité du récit, et cette manière dont chacune a su conserver les caractères et spécificités des personnages. J’ai regretté un peu qu’aucune étincelle de joie et d’espoir ne viennent de temps en temps par contre égayer la narration. Des moments plus légers n’auraient pas été de trop dans une histoire dans l’ensemble très sombre. Une lecture à prendre comme un roman noir, donc… et pour les adeptes du genre.
Je ne me souviens plus du tout dans quelles circonstances ce livre est arrivé sur ma PAL, mais j’y possède quelques poches comme ça, des cadeaux d’éditeurs, donnés pour l’achat d’autres titres de la collection… Il est noté en quatrième de couverture que ce poche était offert en 2009 pour l’achat d’un guide Bibliothèque du Voyageur Gallimard et contenait trois nouvelles, afin de nous permettre de voyager au Japon avec Yukio Mishima, en Argentine avec Julio Cortazar et en Inde avec Rabindranath Tagore. Dans la première nouvelle, La lionne, Yukio Mishima nous plonge dans les tourments de l’amour et de la trahison, dans une atmosphère à la fois précieuse, discrète et extrêmement violente. Dans la deuxième nouvelle, Les ménades, Julio Cortazar nous emmène en concert, et la soirée va prendre un tour extraordinaire, devant le regard ébahi de son narrateur et du lecteur. Enfin, dans Nuage et soleil, Rabindranath Tagore explore toutes les facettes du fameux « Et si… » et du destin. Je dois dire qu’autant j’ai apprécié les deux nouvelles de Mishima et Tagore, mais sans grande exaltation, que j’ai adoré retrouver la folie de Julio Cortazar dans sa courte nouvelle. J’avais oublié combien j’aimais cet auteur et sa faculté étonnante de nous plonger dans l’absurde. Je me souviens avoir lu Les armes secrètes et Cronopes et fameux étudiante, avec une grande admiration. Ce genre de petit cadeau d’éditeur est souvent l’occasion de faire des découvertes. Folio édite aussi de nombreux titres dans sa collection à 2€, dans laquelle vous pouvez retrouver les textes dont je vous parle aujourd’hui (voir plus bas). Une collection aux belles couvertures, et à petits prix, à explorer largement…
❤ J’ai commencé un bullet journal en décembre 2016, il y a pile deux ans. A l’époque, je tenais une sorte de journal intime, mais je sentais confusément que j’avais besoin de quelque chose de plus dynamique et visuel. Alors, je suis tombée sur une vidéo de Solange te parle (que je vous rajoute en fin d’article) où elle détaille avec simplicité sa façon de tenir un Bullet Journal. Comme tout le monde, j’avais déjà été très impressionnée et intimidée par les magnifiques dessins que je voyais ici et là, mais je découvrais qu’en réalité il y avait une voie beaucoup moins sophistiquée de tenir ce journal de bord particulier, une manière possible pour moi, à la fois d’organiser mes activités (de blog essentiellement), mais aussi de prendre du recul sur ma vie.
Ryder Caroll est le créateur de la méthode Bullet Journal et il revient dans ce titre sur son parcours, sur la technique d’organisation du Bullet Journal, mais aussi sur tout ce que cet outil apporte au quotidien. Pour lui, commencer un Bullet Journal est prendre le pari d’enfin vivre une vie intentionnelle. Ecrire à la main, faire des projets, coucher sur un carnet une histoire dont vous êtes le héros, c’est créer un sanctuaire mental pour se poser, réfléchir, traiter calmement toutes les informations de la journée, et se concentrer. L’idée est de constamment décharger le cerveau pour éviter le trop-plein, tenir un agenda (mais en beaucoup plus complet) et réécrire les choses jusqu’à ce qu’elles soient accomplies ou perdent de leur intérêt.
Lorsque j’ai commencé ce livre, je culpabilisais un peu de voir mon propre Bullet Journal réduit depuis quelques mois à peau de chagrin, mais j’ai compris en lisant cette méthode que c’était un processus normal et même sain. Il faut savoir laisser ce qui est de trop, peu utile. Je culpabilisais aussi de n’y faire aucun dessin, qu’il soit à ce point non esthétique, et je suis tombée sur cette phrase… « Réduisez le design de votre carnet à l’essentiel, afin de ne pas distraire votre attention de ce qui compte vraiment pour vous ». En réalité, je me suis rendue compte que j’étais restée au final très proche de l’idée originale du Bullet Journal, et cela m’a rassérénée et motivée à continuer. J’ai pris quelques idées que je n’utilisais pas, car ce texte fourmille de détails très pratiques. Je vais par exemple ajouter un future log (vue sur l’année) à ma prochaine version, pour 2019. Et puis, lire cet ouvrage m’a permis de revenir sur cette pratique que j’ai depuis deux ans. Je me suis rendue compte avec le recul combien tenir un Bullet Journal apporte, en matière d’organisation pour le blog, mais aussi dans l’organisation de la vie familiale, dans la manière d’appréhender différents projets. Avec les traqueurs journaliers de bien-être, par exemple, j’ai pu repérer très vite ce qu’il fallait modifier dans mes habitudes pour améliorer ma vie.
Je recommande à ceux qui seraient tentés par l’expérience de ne pas se laisser intimider par les dessins qui fleurissent sur Internet, de regarder la vidéo de Solange ci-dessous, de se munir d’un carnet, d’un simple stylo, et de cette méthode publiée il y a peu chez Mazarine. Il serait dommage de ne pas laisser une chance au Bullet Journal, puisqu’il sera de toutes façons à votre image, et que « la souplesse de cette méthode formidablement accueillante et rafraîchissante aide à prendre le pouvoir sur sa vie. » La fin d’année est une période merveilleuse pour prendre de telles résolutions. Pour ma part, j’ai passé un formidable moment avec cet ouvrage passionnant et riche, gros coup de coeur de cette semaine, et bien entendu je vais continuer à bujoter.
On ne parle que rarement des conditions dans lesquelles on lit un livre, et surtout de l’impact que ces conditions peuvent avoir sur la qualité de notre lecture… J’ai emprunté ce roman en bibliothèque dans une version pour malvoyants (corps 20). C’est un peu gros, même pour moi. Mais voilà qui explique sans doute pourquoi je suis passée à côté de l’émotion contenue dans cette histoire, très étonnante et particulière. Il aurait peut-être fallu une écriture plus resserrée, me lover avec les personnages entre les pages de mon livre. Je ne sais pas. Dans les premières lignes, nous rencontrons tout d’abord Manushe, une « vierge jurée » qui a renoncé à sa condition de femme, très jeune, pour échapper à un mariage avec le vieux Panush. Manushe vit et s’habille comme un homme et est pour cela respectée dans ce village des Balkans où elle réside de manière paisible et routinière. Un visiteur met pourtant ce jour là le village en effervescence. Adrian est un homme à la fois attirant et mystérieux. Chaque famille a le souhait de l’accueillir chez elle. Manushe et lui passent du temps ensemble, jusqu’à ce que les secrets de chacun soient dévoilés. Le désir vient s’en mêler, ainsi que l’imprudence. Le lecteur découvre alors qui est réellement Adrian, et son histoire pleine de rebondissements et de dangers. Même si je suis restée un peu en retrait de l’émotion contenue dans ce roman, je reconnais son aspect envoûtant, par moments très poétique, voire lyrique et mystérieux. On pourrait croire même avoir affaire à un conte tant les repères sont à la fois flous et universels dans ce récit qui contient de belles images et beaucoup de violence, à l’image de notre monde actuel. Les questionnements que soulèvent les difficultés rencontrées par les femmes dans ce roman sont très modernes et je dirais qu’il met en lumière… le courage qu’il faut parfois aux femmes pour être des hommes comme les autres.
❤ En plus de briller joliment, ce livre est une belle surprise de cette fin d’année, qui me réconcilie avec les publications de La belle colère. Ma grande fille et moi avions adoré les premiers opus de cette collection. Ici, nous rencontrons Cat, 15 ans, débarquée depuis peu à Silver Lake avec son frère aîné et sa mère, suite au divorce de ses parents. Cat est en pleine rébellion et ne voit pas que sa mère a tenté par tous les moyens de refaire sa vie au mieux. Son frère a préféré trouver un travail que continuer ses études, sacrifiant son avenir pour la famille. La maison dans laquelle ils ont trouvé refuge se situe tout près d’une autre maison, dans laquelle, Marlena vit seule avec son père et son petit frère. La jeune fille est accroc au médicaments et à ce qui lui permet d’oublier sa vie. Une amitié très forte naît entre les deux adolescentes, une amitié faite essentiellement de bêtises et de mauvaises fréquentations, mais aussi de moments de grâce. Cat est plongée dans un nouveau milieu, loin de son ancienne école huppée. Elle sèche les cours, traîne avec les amis de Marlena, qui dealent, publient des vidéos sur internet, etc… Elle ne sait pas encore que Marlena sera morte moins d’un an après leur rencontre, et que cette amitié pleine d’effervescence la poursuivra tout sa vie. D’ailleurs, c’est une Cat adulte, que nous retrouvons par ailleurs, à deux doigts de s’asseoir dans un café en compagnie de Sal, le petit frère de Marlena, qui voudrait évoquer avec elle des souvenirs de sa soeur. Cette Cat adulte là a visiblement réussi sa vie, mais se débat avec une addiction à l’alcool qui est en passe de détruire ce qu’elle a construit. Julie Buntin a su dans ce roman retrouver ce qui se passe dans la tête d’une adolescente de quinze ans, qui ne comprend pas complètement le monde qui l’entoure, le regarde à l’aune de ses premières fois, et vit par exemple son premier acte sexuel comme un passage obligé, un peu désagréable. La Cat adulte qui essaye de comprendre ce qui s’est joué cette année là, regarde la Cat adolescente, parfois avec sévérité, et souvent avec compassion. Ce roman a le charme des romans jeunes adultes qui prennent leurs lecteurs au sérieux, et veulent montrer la vie telle qu’elle est, avec ses hésitations, ses erreurs, ses marches étroites, et ses chutes définitives. Un très beau roman sur l’amitié, dans lequel j’ai aimé passer du temps, et que je n’avais pas vraiment envie de terminer. Je l’ai lu aussi en regardant en parallèle la série 13 reasons why, qui faisait comme un écho à cette histoire. Un roman coup de coeur de cette fin d’année !
"Si j’étais garçon, je ferais volontiers le coup d’épée par-ci, par-là, et des lettres le reste du temps. N’étant pas garçon je me passerai de l’épée et garderai la plume, dont je me servirai le plus innocemment du monde."