Lectures 2021

Marie Blanche, Jim Fergus

marieblanche

Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Jean-Luc Piningre

La première version de Marie Blanche est sortie en 2011. Jim Fergus a voulu en sortir une nouvelle version, agrémentée de photographies. C’est donc cette nouvelle version, sortie cette année en France, que j’ai lue, suite à une opération Masse critique de chez Babélio. Je ne connaissais pas Jim Fergus, j’avais entendu parler de son Mille femmes blanches… et j’ai été assez surprise du contenu de ce livre. Le récit commence en 1995, alors que Jim Fergus rend visite à sa grand-mère, Renée, quatre-vingt seize ans. Elle nous est présentée comme une femme froide, tyrannique, ayant brisé sa famille, et notamment sa fille, Marie-Blanche, la mère de Jim Fergus. Il retrace donc son parcours, pour expliquer son destin étonnant. Toute la première partie de ce pavé est donc consacrée à Renée, son histoire, quand la deuxième partie donne la parole à Marie-Blanche. Tout cela est entrecoupé de photographies, et parfois de coupures de journaux, de lettres. Renée voit le jour dans des circonstances mystérieuses. La rumeur doute qu’elle soit véritablement la fille naturelle de celle qui se présentera comme sa mère, sans l’entourer pour autant d’affection. Elle grandit dans une grosse propriété, à la campagne, à La Borne-Blanche, sans savoir que son père, le Comte de Fontarce, est ruiné. Son oncle, homme d’affaire et gros propriétaire de terres en Egypte, accessoirement l’amant de la mère de Renée, va alors faire une proposition saugrenue à la famille. Il va les accueillir en Egypte, payer leurs dettes, en échange de leur fille, qu’il souhaite adopter. Le lecteur se rendra vite compte qu’il souhaite bien plus encore, entourant la jeune fille d’un climat incestueux pesant. Et c’est ce qui m’a beaucoup intrigué dans ce récit, choqué, la manière dont on laisse croire au lecteur que cette jeune fille de quatorze ans, Renée, a tout orchestré pour arriver à ses fins, comme si c’était elle la manipulatrice dans cette histoire, la séductrice de son oncle. J’ai fatalement pensé à la Lolita de Nabokov. Quelle choix avait donc cette Renée de quatorze ans ? Mis à part celle de croire qu’elle était en effet l’instigatrice de son destin, et non pas la victime, pour s’en sortir psychologiquement. Et comment pouvait-elle faire autrement ensuite que faire les mauvais choix avec ses enfants, en terme d’éducation, surtout avec sa fille ? Elle tente ensuite de la protéger maladroitement de ce même oncle, tandis qu’il essaiera d’embrasser Marie-Blanche, des années plus tard. Mais, par ailleurs, j’ai quand même aimé ce récit, particulier, qui dresse le portrait intime, et peu flatteur en général, de deux femmes, issues d’une certaine classe sociale. Elles traversent toutes les deux le siècle, enfermées par les codes du milieu, cherchant leur liberté, dévastées par des drames, et se démenant pour survivre. A la fin du livre, Jim Fergus explique sa démarche et l’évolution de ses réflexions, et j’ai été assez émue par sa sincérité et sa modestie. Un ouvrage étonnant.

« Avec une grande pudeur, Jim Fergus retrace le destin de ces deux femmes et signe un livre à la fois personnel et universel, bouleversant et sensible. Une fois encore, Jim Fergus frappe très fort. »
François Busnel

Editions du Cherche midi – 26 août 2021

J’ai aimé ce livre, un peu, beaucoup…1 2 3 4 5

Une lecture effectuée dans le cadre d’un Masse critique de chez Babelio – La fiche du livre sur le site

 

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Lectures 2021

Le Dit du Vivant, Denis Drummond

J’ai choisi ce livre pour sa belle couverture, cette représentation de La grande vague de Kanagawa par  Hokusai et son résumé intéressant. Monsieur a d’ailleurs sauté dessus à réception et l’a lu rapidement, bien avant moi, séduit également pour les mêmes raisons. J’étais donc pleine d’espoir… mais, soyons honnête, et malgré mon insistance pour le lire jusqu’à la dernière page, je suis largement passée à côté. L’histoire ? Un séisme, au Japon, fait de nombreux morts dans un petit village appelé Atsuma. La population survivante est atterrée. Et pourtant, de ce drame, va naître une découverte archéologique extraordinaire, qui mettra la région en ébullition. Sandra, paléogénéticienne, se rend rapidement sur les lieux, accompagnée de son garçon autiste, dont la guérison progressive sera l’autre miracle de ce site. La construction du récit est particulière et met bout à bout extraits de journaux intimes, articles de journaux, sauts dans le passé et extrapolations historiques, tandis que les recherches avancent et que les années passent. Et j’ai été complètement perdue dans ce kaléidoscope, essayant de m’accrocher par moments aux bribes de récits qui racontaient l’histoire de Tom et de Sandra, ainsi qu’aux beaux passages évoquant la petite Ran, sa mère et le peintre Akira. Je n’étais sans doute pas assez concentrée cette semaine pour ce livre, c’est l’explication que j’en retire, à ma lecture d’autres avis de lecture, beaucoup plus enthousiastes, que vous trouverez par exemple sur Babélio. J’aurais aimé en savoir plus sur Sandra et Tom, leur histoire m’intéressait malgré tout, quand Monsieur a lui de son côté regretté que l’univers ancien découvert ne soit pas plus exploité.

Editions du Cherche midi – janvier 2021

J’ai aimé ce livre, un peu, beaucoup…1 2 4 4 5

Une autre lecture chez… Les billets de Fanny

Lectures 2019

Terrible vertu, Ellen Feldman

Lorsque l’on m’a proposé ce livre du Cherche midi éditeur dans le cadre d’un Masse critique privilégié de chez Babélio, je dois avouer que j’ai seulement craqué sur l’esthétique de la couverture, ce que je supposais du roman, et répondu assez vite par l’affirmative… Mais, fidèle à ma propension de ne pas lire les quatrième de couverture, j’ai en réalité été bien surprise par les premières pages de Terrible vertu. Car autant je n’ai pas été complètement séduite par le style, et cette utilisation de la première personne un peu déstabilisante, autant j’ai été enchantée par son sujet. Ce roman s’avère être en effet la biographie romancée d’une grande dame américaine, Margaret Sanger, à l’origine d’un mouvement du XXème siècle pour le contrôle des naissances, du planning familial et de la pilule. Elle naît en 1879 dans une famille ouvrière d’origine irlandaise, sixième des onze enfants du couple. Sa mère a subit en tout 18 grossesses. Et c’est ce qui révolte dès le plus jeune âge cette jeune fille intrépide et libre, la soumission des femmes au mari, la non égalité devant le plaisir sexuel, et ces grossesses à répétition qui entretiennent la misère des classes les plus pauvres. Pourtant, Margaret se marie et a des enfants. Mais justement, c’est ce choix dans ses désirs de grossesse, ce choix de disposer de son corps, qu’elle revendique. Très vite, Margaret met en danger sa jeune famille pour ses idées, les négligeant malgré son amour, prenant des amants, bravant les institutions. Son but est de réduire le nombre d’avortements qu’elle constate dans sa profession d’infirmière et de sage-femme dans les quartiers les plus pauvres de New York. Le mariage est souvent pour ces femmes au départ un choix économique, ou amoureux, puis les enfants commencent à arriver, et chaque naissance aggrave la situation. La contraception n’est pas encore entrée dans les mœurs très puritaines de l’Amérique du début du XXème siècle et inciter ses concitoyens à la pratiquer un acte illégal. Margaret Sanger le constate lorsqu’elle sort en 1914 sa revue The Woman Rebel. Mais rien n’arrête cette femme qui cherchera sans cesse des appuis et à étendre ses connaissances sur le sujet. Est-ce parce que son personnage est controversé qu’il a disparu de la mémoire collective ? On l’accusa d’être trop libertine, et d’eugénisme (ce que Ellen Feldman réfute). En 1951, elle incite pourtant un biologiste américain à mettre au point la contraception orale qui deviendra la pilule. Je suis ressortie de cette lecture enchantée d’avoir tant appris sur ce mouvement qui a sans conteste libéré la femme, et admirative devant la force de conviction et l’obstination de Margaret Sanger. Mes bémols sur le style se sont vite envolés devant l’intérêt de l’histoire que l’on me racontait. J’ai repensé également à cette série que j’avais beaucoup aimé regarder sur Netflix, Call the Midwife, et qui illustre parfaitement le contexte dans lequel Margaret Sanger a commencé son combat, même si l’intrigue se déroule dans les années 50 dans un quartier pauvre de Londres.

Le Cherche midi éditeur – 3 octobre 2019

J’ai aimé ce livre, un peu, beaucoup…1 2 3 4 5

«Les femmes rebelles réclament : le droit à la paresse, le droit d’être mère célibataire, le droit de détruire, le droit de créer, le droit d’aimer, le droit de vivre.»

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