Lectures 2020

Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon, Jean-Paul Dubois

Je n’ai pas pour habitude de m’intéresser au Prix Goncourt… De Jean-Paul Dubois, j’avais cependant lu avec plaisir autrefois Kennedy et moi et une collègue m’avait prêté dernièrement La succession. Pourquoi ne pas puiser alors dans mes cadeaux de Noël ? J’ai été assez désarçonnée en début de lecture de plonger avec Paul Hansen dans l’univers très étroit d’une cellule, celle qu’il partage depuis un moment déjà avec son colocataire Horton. La promiscuité des deux hommes, l’obligation de promiscuité, voilà ce qui tout à coup permet de relativiser notre période actuelle de confinement. Puis, on s’intéresse au passé de Paul, à son père pasteur, d’origine danoise, et à sa mère, dirigeante d’un cinéma. Ses parents étaient des êtres très différents. Son père exerçait sa profession austère tout en ayant perdu la foi. Confronté alors à l’inconséquence de sa très belle femme, toute préoccupée par le succès de son cinéma, d’avant garde comme elle, il se voit contraint de la quitter et de partir à Quebec. Paul grandit, écartelé entre ces deux êtres, et leurs deux cultures. Puis, le voici à l’âge adulte, intendant de l’Excelsior, un immeuble dont il bichonne les parties communes et les habitants. Tout du long du roman, le lecteur se demande ce qui a bien pu amener cet homme discret et aimable, attachant, en prison, même si on comprend assez vite qu’un drame a eu lieu, puisque les fantômes de ses proches l’entourent sans cesse. J’ai beaucoup aimé retrouver le style de Jean-Paul Dubois dans ce livre, le côté toujours assez mélancolique de ses personnages masculins. Les femmes y sont peu présentes. On s’arrête un peu seulement sur la beauté de la mère de Paul, et sur la douceur réconfortante de Winona. Pourtant, elles seront toujours synonymes pour lui de dépaysement et de sécurité. Les hommes, de leur côté, sont fragiles, fraternels  ou prétentieux. Et lorsqu’un nouveau gérant arrive à l’Excelsior, Paul sent rapidement le vent tourner dans le mauvais sens.

« La détention allonge les jours, distend les nuits, étire les heures, donne au temps une consistance pâteuse, vaguement écœurante. Chacun éprouve le sentiment de se mouvoir dans une boue épaisse d’où il faut s’extraire à chaque pas, bataillant pied à pied pour ne pas s’enliser dans le dégoût de soi-même. La prison nous ensevelit vivants. »

Editions de l’Olivier – août 2019

J’ai aimé ce livre, un peu, beaucoup…1 2 3 4 5

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